Amérique latine : changement généralisé dans une région historiquement catholique

Source: FSSPX Actualités

Une étude intitulée « Religion en Amérique latine - Changement généralisé dans une région historiquement catholique » et réalisée par le Pew Research Center (Centre de Recherches Pew), situé à Washington, a été rendue publique le 13 novembre 2014.

A partir de 30.000 entretiens en face à face dans les pays de langue espagnole et portugaise d’Amérique latine (à l’exception de Cuba), entre octobre 2013 et février 2014, l’étude révèle que l’Eglise catholique a commencé à décliner de façon significative depuis les années 70, tandis que progressaient dans le même temps les protestants et les sans religion. Aujourd'hui, 69% des adultes s'identifient comme catholiques, contre au moins 90% de 1900 jusqu'aux années 1960.

Dans presque tous les pays sondés, l'Eglise catholique a connu des pertes nettes, car beaucoup de Latino-américains ont rejoint les églises protestantes évangéliques ou rejeté la religion catholique. Ainsi, près d’un Nicaraguayen sur quatre, un Brésilien sur cinq et un Vénézuélien sur sept sont d’anciens catholiques. Près d’un Latino-américain sur dix affirme avoir été élevé dans la religion protestante, mais un sur cinq l'est aujourd’hui. Et si près de 4% des Latino-américains ont dit avoir été élevés sans religion, 8% affirment aujourd’hui n’avoir aucun lien avec une quelconque religion. Une grande partie des migrations du catholicisme au protestantisme en Amérique latine a eu lieu en l'espace d'une seule vie.

Les catholiques représentent encore plus des deux tiers de la population dans 9 des 18 pays latino-américains et un territoire nord-américain (Puerto Rico) sondés. Au total, l’Amérique latine compte aujourd’hui 425 millions de fidèles, près de 40% de l’ensemble de la population catholique du monde. L’étude montre également que le pape François jouit d’une grande popularité en Amérique latine, avec plus de deux tiers d’opinions positives. En Argentine, il dispose même d’une cote de popularité atteignant 98%. Sur les pays sondés, au moins la moitié des catholiques disent avoir une opinion « très favorable » du Saint-Père. Cependant, les auteurs du rapport expliquent que les ex-catholiques sont plus sceptiques à l’égard du pape que ceux qui se trouvent aujourd’hui encore au sein de l’Eglise catholique.

Les sondeurs ont interrogé les ex-catholiques convertis au protestantisme sur les motifs de leur changement. Les raisons les plus fréquemment citées ont été la nécessité d’une relation plus personnelle avec Dieu et un style de culte différent. En ce qui concerne les questions d’ordre moral comme l’avortement, les relations hors mariage, le divorce et le mariage entre personnes de même sexe, les catholiques latino-américains tendent à être moins conservateurs que les protestants. Ce qui est considéré comme un autre motif de conversion au protestantisme, sachant que 60% des adultes ont quitté l’Eglise catholique pour rechercher une confession qui place haut les questions de moralité. De manière générale, tant les catholiques que les protestants vivant en Amérique latine sont plus conservateurs que les hispaniques vivant aux Etats-Unis. Ainsi, 25% des hispaniques protestants et 49% des hispaniques catholiques des Etats-Unis approuvent le mariage entre personnes de même sexe, alors que dans les pays latino-américains, à l’exception de l’Argentine, l’Uruguay, le Mexique et le Chili, le soutien au « mariage » homosexuel est inférieur à 20% chez les protestants et 40% chez les catholiques. L’étude révèle également que le mouvement religieux qui s’est le plus développé lors des dernières décennies en Amérique latine est le pentecôtisme, insistant sur le contact personnel avec le Saint-Esprit à travers les guérisons, parler en langues et visions...

Des spécialistes consultés par le centre de Recherches Pew estiment qu’il y a deux raisons principales pour expliquer cette progression : la compatibilité du pentecôtisme avec les religions indigènes et le fait que de nombreux Latino-américains voient le pentecôtisme comme un moyen d’accès à la prospérité économique. Mais ce n’est un secret pour personne que l’expansion du protestantisme au Brésil, en particulier la branche pentecôtiste, s’est accompagnée d’une vision très anti-catholique... L’Eglise catholique était synonyme d’idolâtrie, le pape étant l’Antéchrist, confiait à l’agence Aleteia ce pasteur converti au catholicisme, Adenilton Turquete baptisé dans l’Eglise évangélique Assemblée de Dieu, au Brésil. L’Eglise Universelle du Royaume de Dieu (EURD), fondée en 1977 à Rio de Janeiro, s’est attachée à la prédication de la Théologie de la Prospérité, par l’exaltation de la richesse, par la stimulation du désir de jouir des biens matériels, ainsi que par la glorification du bien-être ici-bas.

Cependant, dans la logique de ces églises pentecôtistes, la prospérité dépend de l’acte de foi du fidèle et celui-ci est mesuré à l’aune de la dîme et des offrandes qui sont faites. La plupart des membres de cette EURD, comme l’ensemble des adeptes du pentecôtisme brésilien, occupent les places les plus basses de la pyramide sociale. Les fonds de l’Assemblée de Dieu émanent des fidèles eux-mêmes, de leurs dîmes et de leurs offrandes. Les pays qui apparaissent les plus catholiques sont le Mexique (81% de catholiques et 9% de protestants) et le Paraguay (89% de catholiques et 7% de protestants). L’Uruguay s’est révélé le pays le plus séculier du continent, 42% se disent catholiques et 37% se revendiquent athées, agnostiques ou sans affiliation religieuse.

« En Amérique latine les pentecôtistes arrachent des millions de fidèles à l’Eglise catholique. Mais le pape n’a pour eux que des paroles d’amitié. C’est sa façon de pratiquer l’œcuménisme… », commente Sandro Magister le 19 novembre. Lors de la visite de son ami, le pasteur évangélique Giovanni Traettino, à Caserte le 28 juillet dernier, le pape François a prononcé un discours sur sa vision de l’œcuménisme que le vaticaniste présente comme « une sorte d’Eglise universelle ayant l’aspect d’un polyèdre dont l’Eglise catholique constituerait une des facettes, à égalité avec les autres Eglises et dénominations ». Et de préciser : « On ne sait pas très bien comment François harmonise cette conception qui est la sienne, avec ce qui a été affirmé par le magistère antérieur de l’Eglise, en matière d’œcuménisme. » – Que dire alors d’une hypothétique continuité avec l’encyclique de Pie XI Mortalium animos (6 janvier 1928) « sur l’unité de la véritable Eglise » ?